Les Chevreuils à l’orée du bois, 1916, huile sur toile, 55 x 81 cm
Le 4 mars 1916, à Braquis, près de Verdun, Franz Marc écrit à sa femme Maria : « … oui, je reviendrai aussi cette année dans mon cher foyer intact, vers toi et mon travail. Entre les abominables images de destruction sans limites, entre lesquelles je vis actuellement, cette idée de retour au pays a une gloire que l’on ne peut décrire assez suavement. » L’après-midi même, Franz Marc fut touché par un obus alors qu’il effectuait une reconnaissance.
On retrouva son album de croquis avec trente-six dessins à la mine de plomb, de 9,8 x 16 cm chacun. Il contenait ses projets de peintures à réaliser. Franz Marc emporta avec lui cette certitude : « L’art trace une autre route qui mène à la vie éternelle… »
Connaissant la relation existante chez Franz Marc entre dessin et peinture, il fallait respecter cette esthétique. Il restait à restituer les images de ces tableaux disparus avant même d’avoir existé.
Chez Marc, l’imminence de la mort semble seule propice à l’accumulation d’énergie mentale, à la découverte de voies nouvelles. Pour lui, l’animal a conservé une sensibilité aux valeurs perdue chez l’homme. Le paysage dans lequel l’animal évolue reflète ces qualités par son organisation abstraite. L’animal voit le monde dans sa pureté. Chaque couleur possède sa signification : le bleu pour le masculin austère et le spirituel ; le jaune pour le féminin, doux et gai ; et le rouge comme couleur de la violence combattue par les deux premières. Dans ce tableau disparu, il nous restait à tirer parti de cette gamme colorée en répartissant les couleurs comme on dispose des notes sur une portée musicale avec le souffle qui convient en pareille circonstance.
(c) Daniel Lagoutte